En période de crise on ne parle pas du travail, on parle de l’emploi ; et c’est bien normal. Quand le chômage est important et persistant, obtenir et garder son emploi est une préoccupation de chacun. La qualité de l’emploi devient alors un enjeu majeur (CDI, CDD, intérim, court, long, …). Mais quand est-il alors du travail et de la qualité du travail ? C’est un point aveugle, qui ne signifie en rien que tout va bien, mais dont peu de personnes ou d’institutions prennent la mesure. En parler est inaudible, pour certains presque indécent. Et pourtant, même en période de crise, que feraient les entreprises sans un travail de qualité, comment assurer un service de qualité, privé ou public sans une réelle réflexion sur le travail qui sous-tend ce service ?

Et puis, la croissance revient, et malgré le chômage encore significatif, de nombreux emplois ne sont pas pourvus. Alors on invoque le manque de compétences, le besoin renouvelé de formation ; c’est certainement vrai en partie. On parle aussi des « conditions de travail », tiens revoilà le travail, mais c’est surtout pour parler du temps hors travail, les horaires à rallonge ou décalés dans la restauration ou le transport, les déplacements sur les chantiers de travaux publics, tout ce qui éloigne de la vie « normale » ; il faut, à coup sûr, améliorer cela et pas seulement durant les périodes de croissance.

Mais le travail quotidien de chacun que devient-il alors? Ce travail « bien fait » dont on voudrait être fier, ce travail de qualité qui devrait garantit des produits compétitifs et des services de qualité, ces organisations du travail qui pourraient créer de l’initiative source d’innovation, ces modes de fonctionnement « apprenant » qui auraient vocation à générer de la compétence tout en travaillant, ces collectifs de travail qui viseraient l’amélioration permanente dans le travail, ces modes de management qu’on souhaiterait plus en soutien qu’en prescription pour de meilleurs produits et services. N’est-ce pas le moment de s’en préoccuper, de les développer et les mettre en œuvre quand les entreprises ont besoin de compétitivité qualitative pour profiter de la croissance revenue et pour l’accroître encore dans un cercle vertueux de progrès pour l’entreprise et pour ses salariés. Chacun, en effet, a à gagner avec ce nouveau regard porté sur le travail de qualité, les entreprises face à leurs clients, les services publics envers leurs usagers, les salariés pour leurs compétences et leur santé, le dialogue social avec de nouveaux sujets à aborder.

Alors, avec ce retour de la croissance, qu’attendons-nous collectivement, dirigeants, salariés, indépendants, syndicalistes, politiques, pour changer notre regard sur le travail ?

Alain Coffineau, président d’honneur de l’ITMD